Liaisons Dangereuses racontée par
Judith Benhamou-Huet

Je marchais dans le jardin géométrique
Et tout en me perdant dans ses courbes
Et ses recoins j’ai pensé que j’étais perdu.
C’était délicieux.
Ici on domestique les arbres pour en faire des dessins.
Ils les appellent « jardins à la française ».
J’ai cru naïvement que je pourrais m’échapper de ce labyrinthe
au sein duquel les jeux les plus mutins se cachent.

Mais le dessin du jardin suscitait le trouble comme ton cœur scintillant.
Tu sais celui que tu arbores suspendu à un ruban noir…
Illusion de la perception.
Il convient de l’observer de très près.
Croyez-moi.
Car le dessin de ton cœur est multicouche.
Au fond il se présente flambant d’or.
La petite coupelle précieuse réfléchit la lumière.
En surface apparaît une pudique voilette d’argent sur laquelle se sont posés des diamants.

J’ai marché dans le jardin géométrique
et finalement j’en suis sorti.
La nuit tombait.
Je suis arrivé dans la salle de bal.
J’étais grisé.
Avec qui ai-je dansé ?
Peu importe. Je t’attendais.

Je ne voyais que les lustres aux sémillantes pampilles
qui virevoltaient autour de ma tête.
Elles m’ont encore rappelé ton cœur
avec ses diamants déposés là délicatement.
Ils les appellent « taille ancienne».
Ces pierres du passé recèlent des histoires.
Elles se jouent des reflets ondoyants
comme les lustres autour de ma tête qui dansent encore.

Le plaisir est coupable.
La lassitude jamais loin.
Tu te souviens lorsque Jeanne disait :
«On s’ennuie de tout mon ange, c’est une loi de la nature?»
Quelle nature ?
Peut-être pas cette fois. Qui sait ?
Je t’attends.
J’ai frémi.
Tu as surgi des ombres,
celles créées par les lumières voilées des chandelles suspendues.

Autour du cou ton ruban noir.
Sur le ruban noir ton cœur scintillant.
Un cœur à la française.
Géométrique.
En écho, sur tes doigts fins,
ta bague triple dessinée comme un poing américain
reprenait le même motif : croisillons d’argent, fond d’or,
illusion d’optique et diamants scintillants à l’infini.
Brisant le temps, dans la salle de bal anachronique

Blondie s’est mise à chanter.
C’était son « Heart of glass ».
Elle répétait. "I was losing my mind".
"Losing my mind”.
Tout en me perdant dans tes courbes et tes recoins
j’ai pensé que j’étais perdu.
C’était délicieux.